Histoire
Le Locle
Mère Commune des Montagnes neuchâteloises
Terre de liberté
Notre petit coin de pays, qui s’est fait connaître dans le monde entier par les produits de son industrie, peut à bon droit se vanter d’être une terre de liberté par excellence. Dès ses origines, sa population n’a pas su ce qu’étaient le servage, la gabelle, la contrainte, les entraves.
En effet, les seigneurs de Valangin semblent avoir compris de bonne heure que cette partie de leurs domaines resterait de peu de valeur aussi longtemps qu’elle serait couverte de forêts inhospitalières et que, pour y attirer des colons, il fallait leur offrir des avantages exceptionnels. Il s’agissait également de créer une région « tampon » habitée, afin de dissuader les voisions d’incursions conquérantes.
1ère mention
C’est en 1151 que le nom du Locle apparaît pour la première fois dans un acte par lequel Renaud de Valangin donnait la vallée du Locle à l’abbaye de Fontaine-André. Cette dernière se délesta de ses biens, forêts et droits compris en 1351, recevant en contrepartie des dîmes de Cernier. Les premiers défricheurs de nos montagnes furent donc les moines prémontrés de cette abbaye. Le phénomène de la colonisation étant amorcé, il sera désormais encouragé aussi bien par les seigneurs que par l’Eglise elle-même qui joue son rôle d’évangélisatrice.
Cette lente prise de possession des terres Haut-jurassiennes s’accentuera fortement dès le XIVe siècle grâce aux libertés et franchises accordées par Jean II d’Aarberg aux tenanciers des « Noires-Joux ». En 1351, le hameau du Locle est suffisamment bien peuplé pour justifier l’établissement d’une paroisse et l’érection d’une première chapelle.
Franc-habergeant
Dès lors, le paysan-nomade se fait de plus en plus rare, il cède la place au paysan-sédentaire qui sait profiter de son statut particulier de « franc-habergeant » lui conférant bon nombre de privilèges tout en l’exonérant de la majorité des redevances coutumières au seigneur.
Cette liberté, souvent chèrement acquise, le Montagnon jurassien ne la cédera plus jamais, même dans les moments les plus critiques. Il la défendra envers et contre tout, au besoin, au péril de sa vie.
Au début de la colonisation, seuls quelques endroits propices furent choisis pour s’établir ; non point au hasard, mais en fonction d’un élément vital : l’eau. Indispensable à l’homme comme au bétail, l’eau vivifie, arrose, fait tourner les rouages des moulins et des « raisses » (scieries), rien de surprenant donc que les premiers habitants se soient installés au fond de la vallée du Locle.
Lors des guerres de Bourgogne, les habitants réclamèrent la protection de Berne, accordée le 31 juin 1476. Ils durent défendre leur territoire contre divers agresseurs, notamment une bande de Francs-Comtois qui, pendant la guerre de Trente-Ans, fut repoussée victorieusement. On parle aujourd’hui encore de la « saboulée » infligée à des pillards bourguignons … par des groupes de femmes.
- 1502 Des Loclois deviennent bourgeois de Valangin
- 1685 Arrivée de réfugiés et d’émigrés
- 1831 Le mouvement révolutionnaire ne bouleverse pas Le Locle
- 1848 Les Loclois donnent le signal de la Révolution. Le 29 février, le drapeau fédéral flotte sur le bâtiment de la Fleur de Lys et les autorités royalistes sont déposées
- 1856 dans la nuit du 2 au 3 septembre, les royalistes s’emparent de la ville mais ils sont repoussés avec l’aide d’une colonne républicaine venue de La Chaux-de-Fonds
Dentelles et horlogerie
Pendant le XVIIIe siècle, la dentelle et l’horlogerie ont été les principales occupations des Loclois. La dentelle a disparu au début du siècle passé. Quant à l’horlogerie, elle a connu un grand développement après l’arrivée de Daniel JeanRichard, les spécialistes se confinant plus dans la montre de poche que dans la pendulerie. Des horlogers ont fait la réputation de la ville : Perrelet, Houriet, Favre-Bulle en particulier.
En 1805 sortait dans une imprimerie la « Feuille d’avis des Montagnes » englobée aujourd’hui dans « L’Impartial » du Locle et de La Chaux-de-Fonds.
Edifices et monuments
Au cours des ans, de nouveaux quartiers sont créés. La ville a été dotée de bâtiments et monuments élevés dans tous les jardins publics et places.
En 1351 déjà, une chapelle était dédiée à Sainte-Marie-Madeleine, devenue église paroissiale en 1417. Elle a été remplacée au début du XVIe siècle. La réforme a été acceptée en 1536.
En 1705, Daniel JeanRichard installe au Locle le premier atelier d’horlogerie des Montagnes neuchâteloises.
Autre date importante également : en 1805, inauguration de la percée du Col-des-Roches qui, sous la conduite de J.-J. Huguenin, nécessita quatre ans d’efforts.
Il a fallu attendre 1857 pour que les habitants puissent utiliser le chemin de fer qui relie Le Locle à La Chaux-de-Fonds.
C’est en 1918 que les autorités d’alors prennent possession de l’Hôtel de Ville actuel, soit juste à la fin de la 1ère guerre mondiale. Il s’agit du 4ème Hôtel de Ville de la Mère Commune.
Enfin, il faut savoir que le Locle a subi plusieurs incendies importants. En 1683, 23 maisons sont détruites. D’autres incendies importants : en 1765, en 1833 (15 maisons détruites et 515 personnes sans abri) et en 1844.
Des origines à nos jours
Si les fouilles archéologiques laissent croire que la région du Locle est occupée dès l’époque mésolithique (6 à 10’000 ans av. J.C.), il faut traverser le temps jusqu’à l’an 1150 de notre ère pour trouver, dans un obituaire des Prémontrés de l’abbaye de Fontaine-André, une donation qui désigne clairement la vallée du Locle.
Pour le Loclois de la fin du XXème siècle, il n’est pas simple d’imaginer que ses ancêtres, grâce au sol ingrat défriché par les moines, sont essentiellement des agriculteurs. Jusqu’au XVIème siècle, les francs habergeants, autour d’une chapelle dédiée à Marie-Madeleine, s’adonnent, dans le Clos-de-la-franchise, à tous les travaux des champs, même si certaines activités artisanales commencent à prendre de l’ampleur :des documents attestent la présence de tisserands, de forgerons et de cordonniers dès le milieu du XIVème siècle. Les guerres de Bourgogne du XVème siècle n’épargnent pas les Loclois : viols de frontières, pillages, meurtres furent à l’origine de légendes et de vengeances impétueuses.
Le calme revenu, face aux difficultés d’améliorer les terres, les Loclois s’emploient à développer l’artisanat : les bûcherons deviennent charpentiers et couvreurs; les moulins, les raisses, les rebattes et les foules s’édifient le long du Doubs; les maçons construisent en pierre du pays des murs épais adaptés au climat. D’avatars en péripéties -le Loclois ne manifestant guère de sympathie à Farel et à ses disciples- la Réforme finit par s’adopter et, dans le même temps, avec quelque retard sur l’ensemble du pays, se crée la première école.
Devenue garde des frontières pendant la guerre de Trente ans, Le Locle doit subir, au début du XVIIème siècle, les cruautés des Bourguignons et des « Suèdes » et se prémunir contre les épidémies de maladies contagieuses.
En 1648, le traité de Münster réinstaure une paix qui favorise dans la Mère Commune un regain d’activités : la fabrication d’horloges de clochers et d’intérieur, l’exploitation des richesses minérales, le commerce des drapiers, des tailleurs, des merciers, des perruquiers, des chapeliers côtoie l’art des maçons, des tailleurs de pierre, des serruriers, des charpentiers, des menuisiers, des ébénistes. La prospérité économique à laquelle les femmes ne sont pas étrangères; leur production de dentelles neuchâteloises se vend régulièrement jusqu’aux foires de Beaucaire, de Francfort et de Leipzig; fait du Locle la plus importante localité des Montagnes. L’incendie de 1683, malgré sa violence qui détruit 23 maisons dont la cure et la mairie, n’enraye que peu de temps l’essor de la communauté qui aborde, après la révocation de l’Edit de Nantes (1685), le début du XVIIIème siècle, avec une curiosité accrue pour les connaissances nouvelles. Celles-ci vont se concrétiser au mieux dans la passion de Daniel JeanRichard, originaire de la Sagne, qui installe au Locle, en 1705, un atelier d’horlogerie. Sa fabrication de montres de gousset passe pour être à l’origine du prodigieux développement que vont connaître les Montagnes neuchâteloises dans les décades ultérieures.
Le XVIIIème siècle voit encore s’instaurer au Locle les premières mesures sociales en faveur des gens démunis : la Générale communauté décide en 1713 de créer la Chambre de charité qui, de restructuration en restructuration, aboutit à la constitution du Fonds en faveur de la Jeunesse locloise et à la Résidence, fondation réservée aux personnes âgées. L’enfance indigente et abandonnée est prise en charge, à la même époque, par Marie-Anne Calame, fondatrice de l’Asile des Billodes.
Sous la poussée des idées nouvelles et conséquemment à la fin de la Monarchie française, des troubles sporadiques -l’affaire Mégevand, la complaisance d’Angelini, la retraite de Frédéric-Guillaume III et le règne de Berthier laissent les Neuchâtelois et les Loclois, jusque dans les années 1830, très peu certains de leurs institutions et de leur avenir immédiat.
Du XVIIIème siècle à nos jours :
Chaos, confusions, façades, faux-semblants-images de la Restauration font place peu à peu aux premières tentatives d’émancipation. Un second incendie, le 24 avril 1833 détruit 15 maisons du centre de la ville : 515 personnes sont sans abri. Les secours affluent de partout; les antagonismes locaux se raniment. Il faut attendre 1848 cependant pour que la tension croissante entre républicains réformistes et monarchistes conservateurs éclate dans la fièvre, le soir du 28 février. Le drapeau suisse, symbole de la rupture d’avec la Prusse, flotte devant la façade de la Fleur-de-Lys et le lendemain, le comité révolutionnaire du Locle proclame l’établissement de la République.
Le 1er mars, c’est la marche sur Neuchâtel et l’installation au Château du gouvernement provisoire auquel participent deux Loclois : Henry Grandjean et Auguste Leuba.
L’intérêt général, malgré les dissensions, n’est pas perdu de vue : une réforme administrative est mise en place et le régime municipal légalisé le 25 septembre 1850; une politique du logement aboutit à la construction du Quartier-Neuf; l’enseignement élémentaire subit de profondes transformations et se créent successivement l’école secondaire, une école de dessins, des cours professionnels, l’école de commerce, l’école d’horlogerie et l’école normale; la première ligne de chemin de fer est inaugurée le 1er juillet 1857; en 1842, la paroisse allemande obtient l’autorisation de construire son propre Temple et, dès 1861, les Loclois de confession catholique disposent d’une église spacieuse.
L’horlogerie n’est pas en reste : dès le début du XIXème siècle, les grandes fabriques, liées aux progrès de la science et de la technique, perfectionnent l’art de la montre. Bientôt se développent aussi des industries accessoires : précision, ingéniosité, qualité de main-d’oeuvre permettent aux Loclois d’aborder le XXème avec sérénité. L’Histoire, on le sait, ne fait pas de cadeaux. Les deux dernières guerres mondiales, malgré la frontière proche, ont influé directement ou indirectement sur la situation régionale.
Les grandes crises économiques mondiales n’ont pas épargné les Montagnes neuchâteloises. Bon an, mal an, la mono-industrie horlogère a résisté avant de s’essouffler. L’impérieux besoin de reconversion, de diversification a fait son chemin. Il marque le Loclois d’aujourd’hui d’un sceau qui ne lui est pas étranger : celui de la recherche, de la découverte, de l’ouverture. Le XXIème siècle frappe à la porte de l’Histoire : le Loclois est prêt à l’accueillir avec cette constance de sérieux, de générosité, d’indépendance qui le caractérise.
Bibliographie
Les ouvrages consacrés au Locle, à son district, au canton de Neuchâtel remplissent quelques rayons de bibliothèque. Les écrits recensés ici ne constituent qu’une modeste approche d’une histoire particulièrement riche.
Baillod Willy, Les Cloches du Locle, Le Locle, 1898.
Baillod Willy, Les Hôtels de Ville du Locle, Le Locle, 1919.
Barrelet Jean-Marc, Ramseyer Jacques, Aperçu historique du canton de Neuchâtel, Fribourg, 1984.
Bory René-Jean, Considérations sur l’Histoire du Locle à travers les siècles, La Chaux-de-Fonds, 1976.
Courvoisier Jean, Panorama de l’Histoire neuchâteloise, Neuchâtel, 1963.
De Montmollin Eric, Pays de Neuchâtel, Neuchâtel, 1959.
Dindeleux Francis, Crêt-Vaillant?, Le Locle, 1979.
Du Pasquier Marc, la réforme en terre neuchâteloise, La Chaux-de-Fonds, 1935.
Evard Marguerite, Marie-Anne Calame, Le Locle, 1934.
Faessler François, Le Locle in Le régionaliste neuchâtelois, Neuchâtel, 1961.
Faessler François, Histoire de la Ville du Locle, Le Locle, 1960.
Jung Fritz, Annales locloises I à XV, Le Locle, 1946-1959.
Loze Louis, L’esprit horloger in La Suisse horlogère, La Chaux-de-Fonds, 1948.
Porret Eugène, Thomann Charles, Le mouvement anarchiste dans les Montagnes neuchâteloises, La Chaux-de-Fonds, 1947.
Zeltner Edmond, Le Locle cité de la précision, Le Locle, 1965.
Zimmerman Jean-Paul, L’étranger dans la ville.
Le Locle et ses environs
Le Locle – La Chaux-de-Fonds Urbanisme Horloger, 2009.
Stéphanie Guex, L’Hôtel de Ville du Locle – 1912-1922, 2007.
John-Peter Bagattini, 2400 Le Locle, 63 photographies, 2007.
Jean-Paul Bourdin, Répertoire des horlogers loclois XVIIème – XXéme siècles, 2005.